Tranche de vie à Pyong Yang (42)

– C’est elle, Bitumeux Boulevard à Quatre Voies Qui Sont Tout Aussi Impénétrables Que Celles Du Seigneur Lequel N’Est En Fait Pas Vraiment Le Seigneur Puisque Votre Altesse Surpuissante Est Bien Entendu Largement Au-Dessus De Lui.
– Dites donc, vous vous êtes un peu embrouillé, là, Pyang. Vous l’avez échappé belle, c’était bien rattrapé. Enfin essayez de faire plus court la prochaine fois, ce n’est pas que je déteste le superlatif, mais j’aime autant qu’il soit bien tourné.
– Je m’efforcerai de m’en souvenir, Venimeux Navire à Voile et à Vapeur.
– Donc c’est elle ?
– C’est bien cela.
– Laissez-moi faire, Pyang. Écoutez bien. Alors la Marguerite ? Li vouch’ plou qu’èt sul’ pio d’eul shpoual ? Qu’ess pouij d’ek vol ni mourmal’ton, hein ?
– Meuh !
– Je vois, je vois.
– Vous… vous comprenez le langage des animaux, Formidable Créateur Du Temps Qu’On A Mis Pour Arriver ?
– Évidemment, Pyang, évidemment, comment croyez-vous que j’ai pu converser avec votre femme l’autre soir ?
– Ma femme… Vous voulez dire que… ?
– Un orang-outan femelle que j’ai fait tondre avant de vous la présenter. Je vous avais bien promis de vous trouver une épouse avec laquelle vous serez parfaitement assorti. Ça n’a pas été facile, vous pouvez me croire.
– Je pensais qu’elle était de la campagne, c’est pour cela que je n’arrivais jamais à comprendre ce qu’elle disait ! Je comprends mieux maintenant.
– Bon, et puis la Marguerite, là, c’est pas compliqué. Elle en a marre de rester dans ce hangar puant, elle a envie d’air pur, de ciel bleu, d’herbe verte et tout le tralala. C’est pour cela qu’elle refuse de donner du lait, qu’elle dit. Alors vous savez quoi, Pyang ? Vous allez la faire sortir d’ici et lui faire faire un petit tour à l’abattoir, qu’elle se change les idées, hein ? De l’herbe verte et du ciel bleu, et puis quoi encore ? Pourquoi pas la liberté de la presse et des toilettes publiques, pendant qu’on y est ?
– Incroyable qu’une simple vache ose se plaindre de votre gestion parfaite du pays et de ses ressources, Père De l’Histoire Et De La Préhistoire Aussi Mais Sans La Peau De Bête Et Le Front Buté.
– N’est-ce pas ? Vous verrez qu’un jour, si on n’y prend garde, les femmes s’y mettront.
– Les femmes ? Oh oh oh, cela paraît tellement invraisemblable, vous pensez vraiment que…
– Enfin pas la vôtre, hein Pyang, pas la vôtre, parce qu’en plus d’être une primate, c’est une primate attardée. Elle n’a pas essayé de vous éplucher la bite comme si c’était une banane, dites-moi ?

– Ah si, si ! J’ai cru que c’était une coutume campagnarde. C’était euh… douloureux mais pas si désagréable. Avant qu’elle ne se mette à mordre dedans à belles dents, bien sûr.
– Ahahahah, j’en étais sûr. Vous avez bien fait de vous confier à moi pour votre mariage, je manquais d’occasions de me réjouir ces dernières semaines. Avec le mur de laine de briques qui tourne au ralenti, Mimine qui veut des pêches quand il n’y a que des pommes et maintenant les vaches qui se rebellent, je suis heureux de pouvoir compter sur vos péripéties conjugales pour me mettre du baume au cœur, Pyang.
– C’est une joie pour moi de savoir que mon quotidien est une perpétuelle source d’hilarité, Virulent Prophète De Sa Propre Venue Et Apôtre De Sa Propre Parole Et Messie De Sa Propre Mission.
– Quant à la Marguerite… Né voul’ que s’poite lo vis ! Pelle ta guetche !
– Meuh !

– Et va fanculo !